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Le droit de la société anonyme et le gouvernement d'entreprise (Première partie)

Le droit de la société anonyme
et le gouvernement d'entreprise
(Première partie)

 Asmaa BOUKHIMA | 2014-01-24

L’expression gouvernement d’entreprise ou gouvernance d’entreprise est la traduction du terme anglo-saxon « Corporate Governance ». C’est une expression à laquelle plusieurs tentatives de définitions ont été données.


Introduction
L’expression gouvernement d’entreprise ou gouvernance d’entreprise est la traduction du terme anglo-saxon « Corporate Governance ». C’est une expression à laquelle plusieurs tentatives de définitions ont été données.
Pour Hyafil par exemple, le gouvernement d’entreprise recouvre l’ensemble des dispositions qui permettent de s’assurer : 1) que les objectifs poursuivis par les dirigeants sont légitimes 2) et que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs sont adaptés (1).
Pour Baudry, le gouvernement d’entreprise est « l’ensemble des moyens par lesquels les fournisseurs de capitaux de la firme s’assurent de leur rentabilité » (2).
Quant à Charreaux, il définit le gouvernement d’entreprise comme étant «  l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui gouvernent leur conduite et délimitent leur pouvoir discrétionnaire » (3).
Partant de ces définitions, le gouvernement d’entreprise peut prendre deux sens : un sens large et un sens étroit.
Au sens large, le gouvernement d’entreprise s’étend aux relations entre l’entreprise et les autres agents intéressés par la bonne marche comme les employés, les clients, les créditeurs, les fournisseurs, et plus généralement l’environnement sociétal.  C’est le système Stakeholders (4).
De façon plus étroite, le terme de gouvernement d’entreprise est utilisé pour désigner l’articulation entre l’actionnaire et la direction de la société. C’est le système Shareholders (5).
 C’est ce sens restrictif que nous retiendrons dans le cadre de cette étude.  De même, notre attention sera portée sur la SA de type moniste étant donné qu’elle est à l’origine des différentes réflexions sur le gouvernement d’entreprise (6).
Quelles sont les raisons de l’émergence du gouvernement d’entreprise ? (7)
Le corporate governance est le fruit d’une réflexion qui a été entamée à la fin des années soixante dix aux Etats-Unis afin d’éviter certains comportements pathologiques au sein des entreprises notamment dans le chef de leurs dirigeants .
En effet, on a constaté de graves erreurs commises par les dirigeants sans que leurs conseils réagissent, ce qui a déclenché une remise en cause de l’efficacité des conseils d’administration. Son rôle inopérant a poussé à le qualifier de chambre dormante (8).
La situation a débouché sur la publication en 1994 d’une volumineuse étude de l’American Low Institute : « les principles of corporate governance » (les principes de la gouvernance d’entreprise).
Ces derniers couvrent un domaine très large (9) et reposent notamment sur la notion de mandat. Leur objectif est de revitaliser les droits et pouvoirs des actionnaires afin qu’ils puissent contrôler efficacement l’action des dirigeants (10).
Mais, la valeur de ces principes a pris une acuité toute particulière depuis le début de la crise qui s’est déclenchée sur les marchés financiers américains et dont la cause principale réside dans les fraudes comptables de très grandes entreprises comme Enron et  Worldcom .
Dans ce contexte particulièrement inquiétant, le gouvernement américain a pensé à une revitalisation des principes de gouvernement d’entreprise en adoptant la loi sarbanes oxley (votée à la quasi-unanimité par le congrès et le sénat américain le 25 juillet 2002, la loi SO a été officiellement promulguée par le président Bush le 30 juillet 2002) (11).
Cette loi comporte plusieurs mesures : la mesure la plus significative est celle qui concerne la responsabilité des dirigeants d’entreprise. A ce propos, toute irrégularité volontaire ou consciente est pénalisée. Les dirigeants encourent 20ans de prison.
De même, la loi SARBANES OXLEY adopte des règles obligeant les entreprises à mettre sur pieds des comités de vérification indépendants pour superviser le processus de vérification. Ceux-ci sont habilités à recevoir des plaintes venant des actionnaires ou encore des employés concernant la comptabilité de l’entreprise et les procédures de vérification.
Par ailleurs, la loi Sarbanes Oxley instaure la création de deux nouveaux organismes de contrôle, un organisme de contrôle des commissaires aux comptes notamment chargé de veiller au principe d’exclusivité des missions de certification des comptes et un comité public de surveillance, la public company accounting oversight board ( PCAOB) qui doit superviser les firmes comptables, établir les standards, et sanctionner les personnes physiques et morales qui ne respectent pas les règles (12).
Parti des Etats-Unis, le mouvement de réforme a gagné rapidement le Royaume-Uni où une commission présidée par Sir Adrian Cadbury a déposé un rapport publié en 1992.
Ce document définit un code of best practices en matière financière afin de répondre aux attentes des praticiens quant au rôle et au fonctionnement du conseil d’administration, aux pratiques financières et comptables et au contrôle des rémunérations des dirigeants.
En 1955, un autre rapport insiste plus particulièrement sur les rémunérations des dirigeants en réaction aux rémunérations abusives octroyées à certains dirigeants.
Les principes établis dans les différents rapports ont été regroupés en 1998 au sein d’un même document «  le combined code of corporate governance).
Dans ce code l’idée fondamentale est la même que celle qui anime les priciples of corporate governance : séparer les non-executives directors des executives directors et rendre les premiers indépendants des seconds.
En France, la réflexion sur le gouvernement d’entreprise s’est répandue dans les années 1990 consécutivement à certaines affaires dans les secteurs de la banque et de l’assurance. Elle a conduit à la rédaction de différents rapports (vienot 1 et 2, marini, bouton) qui ont émis des recommandations sur le fonctionnement des instances dirigeantes des entreprises.
La loi NRE a apporté des modifications substantielles dans ce domaine. De nouvelles règles ont été édictées. Elles visent une standardisation des pratiques managériales et concernent principalement trois domaines : la transparence et la diffusion de l’information auprès des actionnaires, le rôle et le fonctionnement du conseil d’administration ou du conseil de surveillance et la protection des droits des actionnaires et notamment des actionnaires minoritaires.
Toujours dans le souci de protéger les investisseurs, la loi de sécurité financière a été adoptée par le parlement français le 17 juillet 2003 afin de renforcer les dispositions légales en matière de gouvernement d’entreprise. Cette loi s’applique à toutes les sociétés anonymes. Comme la loi américaine sarbanes oxley, elle repose principalement sur une responsabilisation accrue des dirigeants ; un renforcement du contrôle interne ; une réduction des sources de conflits d’intérêt (13).
Au niveau international, l’OCDE a également émis un document intitulé « principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE » qui a reçu dès 1993 l’approbation des ministres des pays membres et a fait l’objet d’une révision à leur demande en 2004. Ils traitent principalement des droits des actionnaires, du rôle du conseil d’administration et de la transparence de l’information.
Ainsi donc, prospère le concept de gouvernement d’entreprise un peu partout dans le monde. Qu’en est-il du cas marocain ? Est-ce qu’il  y’a eu une transposition des principes de gouvernement d’entreprise dans le contexte marocain ?

Nul doute que la loi 17-95 modifiée et complétée par la loi 20-05 apporte sur ce plan des innovations qui bouleversent le paysage juridique ancien (14).
L’économie générale de la loi 17-95 sur ce plan pourrait se résumer ainsi :- une prise en considération des intérêts des minoritaires
·         Une nouvelle conception des conseils d’administration et de leur composition
·         Une responsabilisation plus grande des administrateurs
Or, à l’examen, ce sont bien là les objectifs les plus importants autour desquels s’articulent les principes et le concept de gouvernement d’entreprise (15).
A côté de cette loi, nous disposons aujourd’hui d’un code de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise élaboré sous l’égide de la CGEM en mars 2008 (16). Il s’agit d’un recueil de lignes de conduite et de recommandations complémentaires à la loi et aux règlements, et dont la mise en œuvre est flexible en fonction de la structure juridique de l’entreprise, de sa taille, de son activité, de son mode de gestion. Notons que ces principes sont d’une application volontaire, et chaque entreprise aura à se positionner par rapport au code et à expliquer dans quelle mesure elle en applique les recommandations. Ce système est appelé « comply or explain », c'est-à-dire appliquer la recommandation (comply) ou expliquer pourquoi on y déroge (explain).
On peut donc se réjouir aujourd’hui d’avoir ce code complétant une loi également riche en dispositions sur le gouvernement d’entreprise car cela va conduire à l’amélioration du climat de l’investissement permettant d’atteindre un degré de confiance nécessaire au fonctionnement satisfaisant d’une économie de marché.
Aussi bien les mérites de la loi que du code ont été médiatisés à leur sortie et plusieurs actions ont été menées auprès de la communauté des affaires pour sensibiliser les dirigeants aux recommandations sur le gouvernement d’entreprise.
Mais aujourd’hui, l’élan qui a porté ces principes  s’est essoufflé, et  on en parle beaucoup moins.
Or, le Maroc est toujours en phase d’adaptation. Le concept est encore peu familier dans le monde des affaires, ce qui risque de créer un différentiel important entre les principes édictés et la pratique des entreprises.
A cela s’ajoute le fait que le Maroc est aujourd’hui fortement confronté aux défis majeurs de la mondialisation. Cette dernière lui impose de s’aligner aux normes internationales et de les appliquer effectivement pour fournir aux investisseurs aussi bien nationaux qu’internationaux les mêmes conditions qu’ils peuvent obtenir ailleurs. Partant de là, le respect et l’application des principes de gouvernement d’entreprise est une nécessité fondamentale. C’est précisément cette nécessité qui donne à notre sujet un grand intérêt d’autant qu’il met en évidence plusieurs questions : l’égalité des actionnaires dans l’exercice de leurs droits, la transparence des travaux du conseil d’administration, la répartition des pouvoirs, la responsabilité des dirigeants…
Cette interrogation sur l’intérêt de la réflexion de l’étude étant éludée, il convient dés lors de jeter un éclairage sur l’état actuel du gouvernement d’entreprise au Maroc, et de rappeler une fois encore ces principes nécessaires à la prospérité et à la performance des entreprises marocaines.
Pour ce faire, deux questions méritent d’être posées à ce sujet :
-       De quelle manière la gouvernance des sociétés au Maroc renforce t- elle la promotion des actionnaires dans le jeu sociétaire ?
-       De quelle manière la gouvernance des sociétés répartit-elle les pouvoirs, comment renforce t- elle les contraintes imposées aux mandataires sociaux ?
La réponse impose d’analyser deux axes principaux : le renforcement des droits des actionnaires (première partie), et la nouvelle conception d’administration et de direction de la société anonyme (deuxième partie).
I- le renforcement des droits des actionnaires
Conformément aux principes de gouvernement d’entreprise, les actionnaires se voient renforcer leur droit au contrôle de la gestion de la société.
Pour certains auteurs comme A.Couret, ce droit trouve son fondement dans la théorie de l’agence entre les dirigeants et les associés, relation qui valorise le contrat de mandat. Partant de là, l’agence est une entremise.
Cette définition a une conséquence sur le statut des dirigeants : même s’ils exercent des pouvoirs dits légaux, dans leur relation avec les associés, la notion de mandat l’emporte (17).
Les dirigeants agissent donc dans l’intérêt de ces derniers, dans le cadre juridique du mandat. La délégation implique en conséquence une autonomie dans la gestion. Or, l’associé qui désire une gestion conforme à ses intérêts doit disposer en contrepartie de moyens de contrôle sur le mandataire.
Pour permettre donc aux actionnaires d’exercer ce droit de contrôle dans les meilleures conditions, il est indispensable de leur donner les moyens de s’informer complètement sur la situation de la société.
A côté de ce droit à l’information, les actionnaires ont le droit d’agir, d’infléchir le cours des choses, et de jouer un rôle plus actif dans la vie de la société.
A-  Le droit à l’information
Dans le cadre de l’ancienne loi, le législateur avait confié naturellement le contrôle de la gestion à chaque actionnaire, exprimant directement son opinion par un vote au sein de l’assemblée.
Mais, dans ce cadre, l’actionnaire n’était pas suffisamment informé. Avec la loi 17-95 modifiée et complétée par la loi 20-05, la situation change. L’idée de base est de faire en sorte que l’actionnaire mieux informé participe plus activement à la vie de la société et que les positions qu’il adopte soient ainsi éclairées.
Dans ce cadre, les SA sont tenues à tout moment de donner certaines informations à leurs actionnaires. Des obligations très précises d’information leur sont également imposées au moment des assemblées. On distingue donc entre le droit de communication périodique, et le droit de communication permanent. Tout manquement à ce droit de communication est sanctionné.
1-  information périodique
On entend par information périodique, l’information préalable à une décision d’assemblée. Cette information se réalise sous deux formes :
-       Envoi des documents ou information des actionnaires à domicile
-       Communication au siège social
aPremier cas : envoi des documents ou information des actionnaires à domicile.
L’information arrive même aux actionnaires qui n’assistent pas personnellement à l’assemblée. A ce propos, la loi comporte deux dispositions fort intéressantes et en relation étroite avec les principes de gouvernement d’entreprise.
La première est celle qui est prévue par l’article 131 de la loi 17-95  modifiée et complétée par la loi 20-05, et qui donne à l’actionnaire (à défaut d’assister personnellement à l’assemblée) le choix entre l’une des formules suivantes :
-       Donner une procuration à un autre actionnaire ou à son conjoint, à un ascendant ou un descendant
-       Adresser une procuration à la société sans indication de mandataire
L’art 131 précise que « pour toute procuration d’un actionnaire à la société sans indication de mandataire, le président de l’assemblée générale émet un vote favorable à l’adoption des projets de résolutions présentés ou agrées par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, et un vote défavorable à l’adoption de tous les autres projets de résolution ».
Cette prescription inspirée de la législation française, elle-même inspirée de la législation américaine, a pour but d’attirer l’attention de l’actionnaire sur les conséquences d’un pouvoir en blanc. Retourner un tel mandat équivaut pour lui à donner carte blanche aux dirigeants. S’il ne le souhaite pas, il lui appartient de trouver un mandataire qui accepte de voter dans un autre sens, ou d’user de ce droit nouveau introduit par l’article 131 bis de la loi 20-05 qui consacre pour la première fois au Maroc le vote par correspondance. Il s’agit là de la deuxième disposition en relation avec les principes de gouvernement d’entreprise et qui montre la prise de conscience du législateur de la nécessité de restreindre le jeu des pouvoirs en blanc.
Ce choix entre le renvoi d’un pouvoir en blanc, la désignation d’un mandataire ou le vote par correspondance n’a de signification que s’il est éclairé, c'est-à-dire si l’actionnaire reçoit communication des documents sociaux. Ces documents sont d’après l’art 391 de la loi sur les SA :
-       La liste des administrateurs et des membres de directoire ou du conseil de surveillance en exercice
-       Le texte et l’exposé des motifs des projets de résolutions inscrits à l’ordre du jour
-       Le cas échéant, une notice sur les candidats aux organes d’administration, de direction et de gestion
-       Le rapport du conseil d’administration ou du directoire et des commissaires aux comptes qui seront soumis à l’assemblée générale annuelle, les états de synthèse annuels
b- Deuxième cas : communication au siège social.
Ce droit de communication porte sur plusieurs documents déterminés par l’article 141 de la loi sur les SA qui distingue entre les assemblées générales ordinaires et les assemblées générales extraordinaires.
C’est ainsi que pour l’assemblée générale ordinaire annuelle, les actionnaires ont droit de prendre connaissance au siège social à compter de la convocation de l’assemblée, et au moins pendant les quinze jours qui précédent la date de la réunion de :
-       L’ordre du jour de l’assemblée
-       Le texte et l’exposé des motifs des projets de résolutions présentés par le conseil d’administration ou le directoire et ou le cas échéant par les actionnaires
-       La liste des administrateurs au conseil d’administration, des membres du directoire et du conseil de surveillance, ainsi que le cas échéant, des renseignements concernant les candidats à ces organes
-       L’inventaire, les états de synthèse de l’exercice écoulé, arrêtés par le conseil d’administration ou le directoire, ainsi que le cas échéant des observations du conseil de surveillance
-       Le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire soumis à l’assemblée, ainsi que le cas échéant, des observations du conseil de surveillance
-       Le rapport du ou des commissaires aux comptes soumis à l’assemblée
-       Le projet d’affectation des résultats
Pour les autres assemblées, ordinaires ou extraordinaires, générales ou spéciales, et à compter de la convocation, tout actionnaire a également le droit au moins pendant le délai de 15 jours qui précédent la date de la réunion, de prendre au même lieu connaissance du texte des projets de résolutions, du rapport du conseil d’administration ou du directoire, et le cas échéant du rapport du ou des CAC.
2-Droit de communication permanent :
Le droit de communication permanent porte sur les documents qui ont pu être mis à la disposition des actionnaires avant les assemblées des trois exercices, et les procès et feuilles de présence correspondants (article 146).
Hormis en ce qui concerne l’inventaire, l’actionnaire peut obtenir une copie de chaque document (147).
De même, pour l’exercice de son droit de communication, tout actionnaire peut se faire assister d’un conseil (art 149). Le droit de consultation peut être exercé soit par l’actionnaire lui-même, soit par le mandataire qu’il a nommément désigné pour le représenter à l’assemblée (art 150).
En cas de refus de communication de documents, l’actionnaire a le droit de s’adresser au président du tribunal statuant en référé, qui pourra ordonner à la société, sous astreinte de communiquer les documents (art 148).
Par ailleurs, si l’actionnaire n’a pas été en mesure d’exercer son droit de communication dans les conditions prévues par la loi, l’assemblée peut être annulée (art 152).
En outre, les membres des organes d’administration, de direction et de gestion d’une société anonyme s’exposent au paiement d’une amende de 8000 à 40000 Dhs s’ils ne mettent pas à la disposition de tout actionnaire les documents déjà énumérés.
De même, à côté des obligations légales en matière d’information, le code de bonnes pratiques de gouvernement d’entreprise recommande la diffusion d’informations relatives par exemple aux risques significatifs et prévisibles ou encore à la politique de gouvernance de l’entreprise. L’information doit porter sur les données importantes ou significatives de l’entreprise et doit être diffusée simultanément à tous les actionnaires pour garantir leur traitement équitable. En particulier, l’information financière et comptable doit être fiable, comparable, suffisamment détaillée et répondre strictement aux normes nationales et internationales.
B-Le droit à l’action
Les moyens d’action dont disposent les actionnaires pour exercer leur droit de contrôle sont nombreux. La loi leur confère un droit d’intervention dans la vie sociétaire. De même, elle leur confère le droit de demander réparation des dommages subis.
1-Droit d’intervention dans la vie sociétaire
a-Convocation de l’assemblée générale
C’est ainsi qu’un ou plusieurs actionnaires, représentant au moins le dixième du capital social, peuvent demander au président du tribunal statuant en référé la désignation d’un mandataire de justice chargé de convoquer l’assemblée.
Si l’autorisation lui est accordée, le mandataire doit convoquer l’assemblée sans tarder, sur l’ordre du jour fixé par le tribunal. Il assure la présidence des débats.
b-Récusation ou révocation des commissaires aux comptes
L’art 162 de la loi 17-95 modifiée par la loi 20-05 prévoit que les actionnaires, représentant au moins le cinquième du capital social, peuvent obtenir en justice la récusation d’un ou plusieurs commissaires aux comptes désignés par l’assemblée et la nomination d’autres.
La demande doit porter sur des éléments permettant effectivement la remise en cause de la compétence, l’objectivité ou l’indépendance du ou des commissaires aux comptes.
c-Inscription d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée
De même, les actionnaires représentant au moins cinq pour cent du capital social, peuvent requérir l’inscription de projets de résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée. Le droit d’ajouter des points à l’ordre du jour permet aux actionnaires d’influer de manière décisive sur les assemblées générales.
d-Droit d’engager une procédure d’alerte
Par ailleurs, et en vertu de l’article 546 du code de commerce, tout associé dans une société commerciale peut engager une véritable procédure d’alerte s’il constate des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.
Cet article présente une grande utilité. Il permet en effet de pallier à la carence du commissaire aux comptes au sein de la société (18).
Signalons que ce droit prévu par l’article 546 est accordé à l’associé sans la moindre exigence de représenter une quote-part du capital social. Cette attitude législative est jugée excessivement libérale.
e-Droit de recours à un expert de gestion
L’expertise de gestion est une mesure d’information économique de contrôle de la gestion sociale, qui permet de s’assurer du respect de l’intérêt de la société par les dirigeants sociaux à l’occasion de certains actes de gestion (19).     
On l’appelle également expertise de minorité car elle s’inscrit dans un ensemble de mesures qui, dans la nouvelle loi tendent à renforcer la minorité face à ceux qui exercent le contrôle de la société, détiennent le pouvoir et par conséquent assurent la gestion. Autrement dit, elle est une action par laquelle la minorité révèle son aptitude à intervenir en qualité d’organe subsidiaire de contrôle (20).
Pour que l’expertise soit ordonnée, l’article 157 de la loi sur la SA impose une condition de recevabilité : la demande doit être formulée par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le 1/10 du capital social.
Ce seuil a été fixé dans le but « d’empêcher les intrusions répétées des minoritaires dans la gestion sociale » (21).
Les actionnaires demandeurs doivent formuler dans leur assignation des critiques à l’encontre de la gestion de la société. Autrement dit, les demandeurs démontrent leur intérêt précis à être renseignés sur une ou plusieurs opérations de gestion suspectes susceptibles de leur porter préjudice.
La mission de l’expert consiste alors à compléter l’information des actionnaires sur une ou plusieurs opérations de gestion dont la conformité à l’intérêt social est douteuse, et rechercher des éléments pouvant éventuellement constituer un abus de droit.
La décision de justice qui ordonne l’expertise peut mettre les honoraires à la charge de la société.
Le rapport d’expertise est adressé au demandeur, au conseil d’administration ainsi qu’aux commissaires aux comptes. Il doit être obligatoirement mis à la disposition des actionnaires en vue de la prochaine assemblée générale, en annexe au rapport du ou des commissaires aux comptes.
f-Droit de contrôle des conventions réglementées
Les conventions réglementées sont par opposition aux autres conventions dites libres (22) ou interdites (23) soumises à une procédure d’autorisation et de contrôle et ce quelque soit leur objet.
Ce contrôle est destiné à vérifier que l’intérêt social n’est pas sacrifié au profit d’un autre intérêt personnel, et que la personne morale n’est pas à la merci de contrats lésionnaires ou de prélèvements opérés sans contrepartie.
Le domaine de la réglementation
Le dispositif légal de contrôle des conventions réglementées est d’application large. En effet, l’article 56 vise :
-les conventions intervenant entre une société anonyme et l’un de ses administrateurs ou directeurs généraux ou directeurs généraux délégués ou l’un de ses actionnaires détenant directement ou indirectement plus de cinq pour cent du capital ou des droits de vote,
-les conventions auxquelles une de ces personnes est indirectement intéressée (24) ou dans lesquelles elle traite avec la société par personne interposée,
-les conventions intervenant entre une société anonyme et une entreprise, si l’un des administrateurs, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur ou directeur général de l’entreprise ou membre de son directoire ou de son conseil de surveillance.
La procédure de contrôle :
Le contrôle des conventions réglementées se fait en suivant trois étapes :
Première étape : l’administrateur, le directeur général, le directeur général délégué ou l’actionnaire intéressé est tenu d’informer le conseil dés qu’il a eu connaissance d’une convention à laquelle l’article 56 est applicable. Il ne peut prendre part au vote sur l’autorisation sollicitée.
La convention conclue sans autorisation préalable est susceptible d’entrainer la responsabilité des personnes concernée, et elle peut être annulée si elle entraine des conséquences dommageables pour la société.
L’action en nullité qui se prescrit par trois ans à compter de la date de la convocation peut être couverte par un vote ultérieur de l’assemblée générale intervenant sur rapport spécial du commissaire aux comptes.
Deuxième étape : le président du conseil d’administration doit ensuite donner avis au commissaire aux comptes dans le moi qui suit l’autorisation préalable de toutes les conventions autorisées qui seront soumises à l’approbation de l’assemblée générale ordinaire sur rapport spécial du commissaire aux comptes.
Troisième étape : l’assemblée générale ordinaire peut soit approuver, soit désapprouver les conventions. Dans les deux cas, elles produisent pleinement leurs effets à l’égard des tiers sauf en cas de fraude.
2-Droit de demander réparation des dommages subis :
Les minoritaires peuvent demander l’annulation des actes et délibérations pour abus de majorité.
Si la majorité a sur le plan pratique le pouvoir souverain dans la société, donc le droit de décision, ce dernier s’imposant aux minoritaires, elle ne devrait pas en abuser.
L’abus de majorité suppose deux conditions cumulatives : tout d’abord, la décision prise doit être contraire à l’intérêt général de la société. Ensuite, elle doit avoir été guidée par l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité (25).
Tel est le cas par exemple lorsque la décision cause un préjudice pécuniaire direct à la société tout en profitant à une autre société dans laquelle les actionnaires majoritaires ont des droits personnels.
L’abus de majorité peut déboucher sur l’annulation des actes et délibérations, ce qui a pour conséquence le retour au statut quo ante.
Les actionnaires minoritaires pourront également mettre en cause la responsabilité des dirigeants qui ont abusé de leurs prérogatives (26).
Au terme de cette première partie, on conclut que le dispositif juridique relatif à la société anonyme intègre les principes de gouvernement d’entreprise puisqu’il met au cœur de sa réflexion la place des actionnaires dans le jeu sociétaire, ainsi que leur rôle dans la gouvernance des sociétés.
Il existe donc aujourd’hui des avancées démocratiques dans la société anonyme au Maroc consacrant une amélioration des moyens et procédures qui permettent aux actionnaires de se faire entendre au sein et en dehors des assemblées générales, d’exprimer leurs opinions et leur choix et de contrôler l’exercice du pouvoir par les dirigeants.
Toutes ces dispositions ont le mérite d’apporter plus de transparence dans le fonctionnement de la société et de permettre une meilleure participation des actionnaires.
Toujours dans son souci d’assurer la protection efficace des actionnaires, de quelle manière la loi sur la société anonyme répartit-elle les pouvoirs, et comment renforce t- elle les contraintes imposées aux mandataires sociaux ? 

1-Hyafil : 1997 « corporate governace » : une synthèse de la littérature, cahier de recherche HEC in Parrat F 2003, le gouvernement d’entreprise, DUNOD. Paris p 11
2-Baudry B : 2003, Economie de la firme, la découverte
3-Charreaux G : 1997, le gouvernement d’entreprise, Economica in Parrat F, op cit p 11
4-Au-delà des actionnaires, ensemble des partenaires de l’entreprise qui regroupe notamment les salariés, les créanciers, les dirigeants et les clients.
5-Modèle dont l’objectif est d’atteindre la maximisation de la valeur actionnariale
6-On traitera la SA d’une manière générale qu’elle fasse ou non appel public à l’épargne
7-Pour une étude détaillée des raisons d’émergence du gouvernement d’entreprise, voir Gouvernement d’entreprise, enjeux managériaux comptables et financiers, sous la direction d’Alain Finet, de boeck, p 15 et s
8-Cf Tunc A, supprimer ou renforcer le conseil d’administration des SA, rev droit des aff  1991 N°5 p669
9-notamment les structures et les pouvoirs des organes dans les sociétés, le devoir de diligence, le devoir de loyauté, la séparation des directeurs exécutifs et non exécutifs…
10-Cf Tunc A, le gouvernement des SA, le mouvement de réforme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, rev internationale de droit comparé 1-1994, p62
11-Cf l’Economiste du 9 décembre 2003, une bombe nommée Sarbanes Oxley, p6
12-Cf Parrat, op cit p 65
13-Cf N. Decoopman, la nouvelle architecture des autorités financières, le volet institutionnel de la loi de sécurité finacière, JCP n°42 du 15 octobre 2003, p1817 et s
14-Avant la loi 17-95, la SA était régie par le dahir de 1922 qui avait rendu applicable au Maroc la loi française de 1867
15-Cf Kettani A, la réforme marocaine de la SA et le corporate governance, RMDED n°37-1996, p67 et s
16-D’autres codes ont vu le jour comme le code de bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et établissements publics ; code spécifique de bonnes pratiques de gouvernance des PME et entreprises familiales
17-Cf Couret A, les apports de la théorie micro-économique moderne à l’analyse du droit des sociétés, rev soc 1984, p234
18-Certes, l’article 546 du code de commerce présente une grande utilité. Il permet au moins de pallier à la carence du commissaire aux comptes au sein de la société. Cf Choukry Soubai, les procédures de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise, tome 1, dar nachr Al Maarifa, Rabat 1998, p 180, cité par Amrani L, la prévention des difficultés de l’entreprise, mémoire DESA, Casablanca 2002 p83.
Cependant, l’associé n’encourant qu’une responsabilité de droit commun, peut considérer plus facilement certains événements comme faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, et multiplier ainsi ce type d’alerte, ce qui portera atteinte au crédit de l’entreprise et la condamne à la disparition. Amrani L, op cit, p84 ;  
19-N Dedessus-Le-Moustier, expertise de gestion et principe du contradictoire, rev soc, 1 janvier-Mars 1998, p45
20-Chartier Y, la gestion et le contrôle des SA dans la jurisprudence, Litec 1978, p369
21-Cf Estelle Scholastique, le devoir de diligence des administrateurs de société, droit français et anglais, LGDJ 1998, p301
22-Les conventions libres sont les conventions passées entre les dirigeants et la société qui ne sont pas soumises à l’autorisation préalable et qui portent sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales
23-les conventions interdites sont celles conclues entre la société et ses dirigeants qui présentent un risque majeur pour le patrimoine social.
24-Le texte est d’autant plus large qu’il fait référence à la notion de partie indirectement intéressée, ce qui est susceptible d’accroitre considérablement le périmetre des opérations contrôlées
25-Formule plusieurs fois utilisée par les tribunaux, voir par ex com 18 avril 1961, D 1961, 661
26-Cf Lazrak R, l’aspect pénal de la loi sur la SA, Actes du colloque organisé par l’institut IMADE le 23 mars 2001, p45

Écrit par Asmaa BOUKHIMA
Professeur à la faculté de droit FSJES d’Ain Sebaa



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2016